Détection de Tetracapsuloides bryosalmonae et de son hôte bryozoaire Fredericella sultana sur le bassin de la Bienne à partir de l’ADN environnemental (Juillet 2022)
Projet terminé
Contexte et objectif
Suite à une baisse de densité de truite fario (Salmo trutta) sur le bassin de la Bienne, la Fédération de pêche du Jura s’interroge sur la présence potentielle du parasite responsable de la maladie rénale proliférative (MRP) sur ce bassin. L’étude menée vise ainsi à identifier la présence de T. bryosalmonae et de F. sultana sur 6 stations localisées sur le bassin versant de la Bienne, en utilisant la méthode ADNe sur différentes matrices environnementales (eau, biofilm) mais aussi directement dans les fèces/urines de truitelles (ADNu) pour essayer d’estimer le statut d’infection des individus.
Méthodologie
Afin de maximiser les chances de détecter les signaux ADNe potentiellement relargués par T. bryosalmonae et F. sultana dans des échantillons environnementaux, potentiellement présents en très faible quantité (taille de l’espèce, distribution sporadique, dilution rapide du signal dans l’eau), l’approche de détection ciblée d’ADN par dPCR (Digital PCR) a été privilégiée.
Aussi, plusieurs types d’échantillons ont été collectés :
- Eau filtrée (ADNe) : Approche non invasive et rapide à mettre en œuvre permettant d’indiquer si une station est à risque (détection de F. sultana seul) ou infectée par le parasite (détection de T. bryosalmonae, couplée ou non à celle de F. sultana). Il s’agit de la matrice environnementale couramment utilisée pour les suivis ADNe en rivière.
- Biofilm aquatique (ADNe) : le biofilm se forme à la surface du substrat de la rivière et est principalement composé de micro-organismes reliés entre eux par du mucilage. Comme le biofilm est en contact continu avec l’eau, il a été proposé que ce mucilage pourrait permettre de capter passivement le signal ADNe présent dans l’eau et de le concentrer, ce qui permettrait une meilleure détection d’espèces peu abondantes ou difficilement décelables.
- Féces/urine de truitelles (ADNu) : une méthode non létale de détection de l’infection de T. bryosalmonae dans des poissons a été développée en ciblant l’ADN du parasite émis par les excrétions des poissons préalablement isolé et mis en stabulation dans de l’eau non contaminée (Duval et al., 2021). L’eau de stabulation contenant l’urine des poissons est alors utilisée comme échantillon ADNu (pour ADN urinaire) pour la détection du parasite. Afin de rendre la méthode plus opérationnelle sur le terrain, en évitant la mise en place de système de stabulation par individu avec un temps d’excrétion minimum, des individus de truite fario (Salmo trutta) ont été « strippés » afin de récupérer en pressant délicatement leur abdomen de l’urine et des fèces, dans lesquels un signal ADN de T. bryosalmonae pourrait être détecté en cas d’infection.
- Suivi histopathologique : l’approche historique pour la détection de l’infection dans un poisson est d’euthanasier ce dernier pour permettre l’observation de coupes histologiques de rein au microscope, ce afin de repérer des lésions caractéristiques d’une infection par T. bryosalmonae. Cette approche, bien qu’invasive, reste celle déployée en routine pour attester du statut d’infection « réel » des poissons. La mise en place de cette approche dans le cadre de notre étude a pour objectif de valider les résultats obtenus par la détection via les approches ADNe (eau, biofilm) et ADNu (fèces/urine).
Principaux résultats
- Biofilm aquatique : Aucun échantillon de biofilm ne s’est révélé positif pour la co-détection des 3 espèces cibles. Cette matrice ne semble donc pas adapté au suivi spécifique de ces espèces en dPCR.
- Eau filtrée (ADNe) : Les signaux ADNe de T. bryosalmonae et de F. sultana dans l’eau de rivière ont été identifiés seulement dans les échantillons d’eau filtrés sur la station BI10 (carte ci-contre). La truite fario (témoin environnemental) a bien été détectée sur l’ensemble des stations.
- Fécès/urine de truitelles et suivi histopathologiques des reins : Aucun signal ADN de T. bryosalmonae n’a été détecté à partir des fèces des individus sur les différentes stations échantillonnées sur la Bienne. En accord avec ces résultats, le suivi histopathologique a révélé que seulement 2 individus de la station BI10 présentaient de rares agents de T. bryosalmonae associés à de légères lésions de leur interstitium rénal. L’infection de ces individus était probablement à un stade trop précoce pour permettre sa détection par excrétion dans les urines.
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- Les signaux ADNe obtenus à partir des échantillons d’eau filtrée, couplés aux résultats du suivi histologique, ont confirmé la présence de T. bryosalmonae et F. sultana à proximité de la station BI10. L‘absence de signaux ADNe sur les stations TA4 et BI7, ainsi que la diffusion théorique du signal ADNe en rivière sur quelques kilomètres, laisse supposer que l’origine des signaux pourrait venir d’un affluent de la Bienne : « Le Lison ». Une étude complémentaire intégrant des stations sur le linéaire du Lison ainsi que sur la Bienne, en amont et en aval de la confluence, permettrait de valider cette hypothèse.
- Une étude sur plus de stations du BV de la Bienne intégrant des campagnes temporelles sur la période estivale (e.g. Juin, Juillet, Août) prenant aussi en compte la thermie du milieu (facteur déclencheur de la maladie) pourrait être envisagée pour faire une cartographie précise de distribution de T. bryosalmonae et de F. sultana.