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L’ADNe des diatomées comme outil de biomonitoring pour la conservation des « sites rivières sauvages »

Scimabio INRA UMR CARRTEL Rivières sauvages

 

 

 

Les diatomées sont des algues unicellulaires microscopiques présentes dans tous les écosystèmes aquatiques. Elles sont une composante principale des biofilms aquatiques qui se développent naturellement sur le fonds des rivières et des lacs. Les espèces de diatomées peuvent être plus ou moins sensibles à la pollution. Ainsi les espèces présentes et leurs abondances seront différentes en fonction du degré de pollution. Elles sont donc utilisées comme bio-indicateurs de la qualité écologique des milieux. A partir d’un prélèvement de biofilm, la méthode actuelle nécessite de réaliser un inventaire exhaustif au microscope pour déterminer et compter visuellement les espèces présentes. En effet, chaque espèce de diatomées possède une morphologie spécifique qui permet de les reconnaître. Depuis 2010, des développements ont été réalisés par deux équipes de l’INRA (CARRTEL et BioGeCo) pour mettre au point des méthodes d’identification moléculaire basées sur de courts fragments d’ADN appelés barcodes. Ces méthodes consistent à réaliser un séquençage massif à partir de l’ADN contenu dans les biofilms puis à retrouver les barcodes caractéristiques des différentes espèces de diatomées.

Cette approche innovante est aujourd’hui suffisamment avancée pour pouvoir être appliquée aux suivis de la qualité des rivières sauvages. En effet, maintenir les rivières sauvages dans leur état de conservation exceptionnel nécessite l’utilisation d’indicateurs « sentinelles » précis capables de renseigner rapidement sur la moindre évolution de la qualité du milieu.

Ces nouvelles méthodes dites de métabarcoding ADN, outre leur avantage de réduire les coûts et les temps d’analyse, ouvrent des possibilités de traitements spécifiques adaptés à la problématique de conservation des « sites rivières sauvages », en améliorant notamment la résolution spatiale et temporelle des suivis.

Les gestionnaires du programme « rivières sauvages » ont souhaité initier avec les scientifiques de l’INRA et de SCIMABIO Interface un projet ambitieux destiné à offrir aux « sites rivières sauvages » la possibilité d’intégrer dans leur biomonitoring de nouveaux indicateurs diatomées basés sur leurs barcodes ADN.

 

Objectifs finalisés

Le projet a quatre objectifs opérationnels :

  • Réaliser un point initial et initier un suivi des communautés de diatomées présentes sur les rivières sauvages à l’aide des barcodes ADN.
  • Caractériser la biodiversité potentiellement spécifique aux rivières sauvages. Ces rivières qui présentent une qualité exceptionnelle ont souvent été très peu étudiées, il est donc possible que de nouvelles espèces de diatomées soient identifiées et puissent servir d’espèces sentinelles.
  • Rechercher des indicateurs spécifiques de certaines pressions à surveiller préférentiellement ; Ce travail mettra en relation les résultats obtenus sur les linéaires labelisés indemnes de perturbations et sur les secteurs perturbés.
  • Etudier les relations entre les communautés de diatomées, leurs écologies et les typologies des bassins versants labelisés « sites rivières sauvages ». En couplant nos résultats aux nouvelles approches de géomatiques, nous pourrons regarder, par exemple, si les espèces de diatomées varient en rapport avec certaines variables d’occupation du sol à proximité immédiate de la rivière et à l’échelle du bassin versant.

 

Méthode

Collecte des échantillons :

Sur chaque site « rivières sauvages », des prélèvements de biofilm seront réalisés sur 10 à 30 stations différentes selon l’importance du linéaire à couvrir et la diversité du bassin versant. Les stations seront majoritairement localisées sur les linéaires labelisés pour pouvoir produire un inventaire initial des espèces présentes et des communautés à suivre dans le cadre d’un biomonitoring. Quelques stations seront également prélevées hors zones labelisées (en amont, en aval, ou sur certains affluents) sur des secteurs perturbés afin de rechercher des indicateurs de pression. L’échantillonnage sera réalisé selon la même méthode normalisée que pour l’analyse traditionnelle sous microscope. Les échantillons seront conservés dans l’éthanol afin de préserver l’ADN. L’ensemble des échantillons collectés sera rapatrié au laboratoire INRA de l’UMR CARRTEL à Thonon-les-bains afin de centraliser les analyses.

Analyses moléculaires :

L’ADN contenu dans chaque échantillon de biofilm est extrait, puis un barcode ADN spécifique des diatomées est amplifié, ce dernier correspondant à une partie du gène rbcL codant pour une enzyme de la photosynthèse. Ensuite les échantillons sont regroupés et séquencés à l’aide d’un séquenceur haut-débit au sein d’une plateforme de génétique. Chaque séquençage permet d’analyser plusieurs centaines d’échantillons en même temps et d’obtenir environ 10 millions de séquences ADN.

Traitement des résultats :

Un traitement bioinformatique est alors nécessaire pour trier les millions de séquences obtenues et identifier celles qui correspondent aux espèces de diatomées. Ce travail utilise une base de référence permettant de relier chaque espèce de diatomées à son barcode ADN. Cette base, maintenue à jour par l’INRA, recense les barcodes ADN de référence des diatomées. Elle référence notamment 75% des 100 espèces de diatomées les plus abondantes sur les rivières de France métropolitaine.

Ce traitement permet ainsi d’obtenir à partir de l’ADN, un inventaire des espèces de diatomées présentes.

Inventaires morphologiques complémentaires :

Au cours de la première année de prélèvement, il sera nécessaire de réaliser, en complément de l’inventaire par ADN, un inventaire classique par la méthode de détermination microscopique sur un certain nombre d’échantillons. En effet, la base de référence INRA des barcodes n’est pas encore exhaustive et les rivières sauvages représentent des milieux peu étudiés sur lesquels nous trouverons certainement des barcodes pas encore référencés. En réalisant les deux analyses (ADN et microscopie) pour les rivières présentant des espèces jamais séquencées, il sera possible de compléter la base de référence ADN selon une méthodologie publiée par l’INRA.

A ce stade, bien qu’il soit difficile d’évaluer la quantité de prélèvement à analyser par microscopie, nous pouvons partir sur une base d’un maximum de 100 prélèvements.

Illustration schématique de la méthode :

scimabio interface, méthodes morphologique et moléculaire, diatomées

Collaborations

Sur le plan scientifique, ce projet associe Agnès Bouchez (Directrice de recherche INRA) et Frédéric Rimet (Ingénieur d’études INRA) de l’unité de recherche CARRTEL à Thonon-les-Bains et SCIMABIO Interface, structure d’interface science-gestion spécialisée dans le courtage de connaissances et le transfert opérationnel de nouvelle méthode issue de la recherche scientifique.

L’association du réseau des « sites rivières sauvages » et le Fonds de Conservation des Rivières Sauvages interviennent pour coordonner le projet auprès des sites labelisés rivières sauvages et pour organiser la collecte et la redistribution des financements complémentaires nécessaires.

Enfin, la participation dans le projet des gestionnaires des sites rivières sauvages est essentielle pour permettre de mutualiser au maximum les besoins, et de répondre au mieux aux attentes en termes de suivi de conservation.