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MONITORISE© : un outil d’aide à l’optimisation des réseaux de suivis

1. Origine de l’outil MONITORISE©

L’outil MONITORISE est issu d’un travail de R&D initié en 2015 par SCIMABIO-Interface dans le but de mettre au point une méthode de définition des réseaux de mesure optimisés en rivière. Ce travail a été mené en collaboration avec des chercheurs en hydroclimatologie statistique et en géomatiques des réseaux hydrologiques de l’INRS Québec et de l’IRSTEA.

Il découle d’une première réflexion menée sur la question de l’optimisation des réseaux de suivi thermique en rivière dans le but de maximiser le ratio coût/qualité de l’information. Au terme de cette réflexion et devant l’évidence de l’intérêt d’une telle démarche, le développement de l’outil MONITORISE a été initié. À noter que ce premier travail de Recherche a été publié en 2016[1].

Localisation des deux BVs pilotes utilisés pour la mise au point de l’outil MONITORISE©

Localisation des deux BVs pilotes utilisés pour la mise au point de l’outil MONITORISE©

Deux bassins pilotes labellisés « site rivière sauvage » ont été choisis pour tester et mettre au point les méthodes d’optimisation de réseau : l’Artoise dans l’Aisne (rivière franco-belge) et le Chéran en Savoie/Haute-Savoie. Ce projet a en effet été élaboré dans le contexte du programme Rivières Sauvages, dans le but initial d’aider les gestionnaires des rivières labellisées à établir et/ou optimiser des réseaux de suivi de la qualité de l’eau de leur rivière.

 

 

La conservation du caractère naturel d’une rivière, ou a minima de son bon état écologique, implique de suivre un réseau de stations sentinelles capable de détecter le plus rapidement possible toute source de perturbation de la qualité de l’eau, de façon à enclencher les actions de conservation/correction nécessaires. Or, cet objectif de suivi à long terme soulève plusieurs questions pour le gestionnaire :

  • Où doit-on positionner les stations de mesures ?
  • Quels paramètres et indicateurs utilisés en compléments des indicateurs existants ?
  • À quelle fréquence ?
  • Comment gérer et analyser correctement les données récoltées ?

Ce sont tout particulièrement ces questions auquel le projet MONITORISE a tenté de répondre lors de son élaboration. Il a finalement permis d’accompagner les gestionnaires des deux bassins pilotes dans toutes les étapes de la procédure de suivi de la qualité de leur rivière et d’utiliser une nouvelle méthode innovante de définition de réseaux de mesure optimisés transférable sur toutes les rivières.

À l’issue de cette étape de validation de la méthode et de la démarche globale, l’outil MONITORISE© a pu être finalisé en 2019 et est maintenant pleinement opérationnel. Il apporte aux gestionnaires un outil puissant, objectif et adaptatif, leur permettant de définir/gérer en toute transparence leurs réseaux de suivi de la qualité de l’eau des rivières. Celles-ci pouvant être appréhendée à l’échelle du Bassin Versant ou bien d’une unité hydrographique plus vaste, que ce soit pour des gestionnaires souhaitant organiser un premier réseau de suivi ou réorganiser leur réseau historique à des fins d’optimisation des coûts et d’homogénéisation des données collectées.

2. Démarche méthodologique

2.1. Finalité de l’outil MONITORISE© et définition d’un réseau optimisé

La finalité de l’outil MONITORISE© est la construction d’un réseau de suivi « optimisé » de stations sentinelles qui permet au gestionnaire de suivre la qualité biotique et abiotique de son territoire, tout en pouvant être alerté précocement des modifications de l’état de santé des cours d’eau appartenant à celui-ci.

Un réseau de stations dit optimisé correspond à une définition précise qui repose sur les critères suivants :

  • Recueillir le maximum d’informations quantitatives à partir d’un nombre minimum de stations de mesure
  • La localisation des stations est réalisée de manière objective à partir de variables caractéristiques du bassin versant à étudier
  • Les stations forment un vrai réseau avec un lien statistique entre elles
  • Pour certains paramètres modélisables, l’optimisation du réseau permet de réaliser une interpolation statistique sur le territoire afin de pouvoir linéariser l’information sur le réseau hydrographique

La stratégie pour la sélection des stations de mesure se base sur l’hypothèse qu’un réseau sera d’autant plus informatif et d’autant moins redondant qu’il sera constitué de stations de mesure dont les bassins en amont seront les plus différents les uns des autres que possible. En effet, un tel réseau, en échantillonnant au maximum les caractéristiques physiographiques présentes sur le bassin ou dans la rivière, en assurera une représentation optimale.

La méthodologie adoptée, basée en partie sur celle développée pour la définition de réseaux de mesures de la température de l’eau en rivière (Daigle et al. 2016), comporte trois étapes générales :

  • La caractérisation d’un ensemble suréchantillonné de bassins et sous-bassins de la région à surveiller ;
  • L’identification des variables physio-climatiques et de pressions représentant le mieux ces bassins et sous-bassins ;
  • L’échantillonnage “optimal” de ces variables, menant à la sélection de stations de mesures contrastées.

L’originalité de la méthode MONITORISE est de coupler la puissance à la fois des outils récents de géomatique et des approches de statistiques spatiales.


L’outil MONITORISE© n’est pas un modèle statistique basé sur des simulations abstraites et aléatoires. Au contraire, il utilise des données réelles disponibles à l’échelle d’un territoire spécifique et exploite la puissance des statistiques spatiales pour sélectionner les stations qui décrivent le mieux le fonctionnement réel du bassin étudié.


2.2. Présentation de la démarche et de son phasage

La création d’un réseau optimisé est permise à travers la réalisation successive de quatre phases synthétisées dans la Figure 2. Ces dernières consistent en :

  • La synthèse et l’évaluation systématique des données disponibles : diagnostic réalisé à l’échelle du BV pour bien prendre en compte les stations déjà suivies et les données disponibles ;
  • La définition d’un réseau optimisé de stations sentinelles par une approche statistique sur la base des caractéristiques propres au BV ;
  • La définition des modalités de la surveillance du milieu (paramètres, indicateurs, fréquences) en complément des suivis déjà existants ;
  • La mise en œuvre opérationnelle de la surveillance comprenant la gestion et l’analyse spécifique des données
La création d’un réseau optimisé est permise à travers la réalisation successive de quatre phases synthétisées dans la Figure 2. Ces dernières consistent en : La synthèse et l’évaluation systématique des données disponibles : diagnostic réalisé à l’échelle du BV pour bien prendre en compte les stations déjà suivies et les données disponibles ; La définition d’un réseau optimisé de stations sentinelles par une approche statistique sur la base des caractéristiques propres au BV ; La définition des modalités de la surveillance du milieu (paramètres, indicateurs, fréquences) en complément des suivis déjà existants ; La mise en œuvre opérationnelle de la surveillance comprenant la gestion et l’analyse spécifique des données

2.2.1  Phase 1 – Audit des données disponibles

La phase 1 consiste donc à réaliser un audit des données disponibles afin d’identifier et de localiser toutes les informations disponibles, notamment la réalité spatiale de la dispersion des stations de mesures existantes (physico-chimiques, biologiques, etc.), ainsi que leur temporalité (fréquence des suivis).

2.2.2 Phase 2 – Définition d’un réseau optimisé de stations

La phase 2 permet d’identifier la meilleure position des stations de mesure pour constituer le réseau de suivi optimisé. Ce réseau peut intégrer des stations historiques identifiées lors de la phase 1, mais aussi de nouvelles stations qui ont été ajoutées pour des raisons de couverture spatiale.

Pour mener à bien cette étape, une méthode innovante couplant les outils actuels de géomatique et des approches de statistiques spatiales a été développée en 4 étapes :

 

  • Étape 1 – Création d’un SIG renseigné et d’un réseau de stations prototype :

Pour l’exemple, la création du réseau prototype du BV du Chéran est présentée dans la Figure 3.

Ce réseau prototype dans lequel les stations sentinelles seront choisies comporte 132 points dont 90 correspond à des stations historiques et 42 à de nouveaux points d’intérêts ajoutées pour compléter les linéaires orphelins.

Localisation des 132 stations prototypes dans le BV du Chéran.

Localisation des 132 stations prototypes dans le BV du Chéran.

  • Étape 2 – Description des caractéristiques de chaque sous-bassin (variables descriptives) :

À chaque station du réseau prototype et sous-BV qui lui est associée, près de 70 variables descriptives sont calculées à partir des données vérifiées disponibles. Elles décrivent de multiples caractéristiques spatiales qui concernent l’hydrographie, l’orographie, l’occupation des sols, l’activité agricole, la géologie, les contraintes locales ou encore le climat.

Le nombre initial de variables descriptives est volontairement important afin d’éviter de passer à côté d’un enjeu majeur et d’obtenir une caractérisation du bassin versant la plus exhaustive possible.

Si au départ une telle liste de variables est nécessaire pour capter toute la diversité du bassin versant, il n’est ensuite statistiquement pas judicieux de toutes les considérer dans la sélection des stations de mesure constituant un réseau optimisé.

En effet, plusieurs de ces variables sont redondantes (corrélées), alors que d’autres ne permettent pas de décrire la variabilité physiographique du bassin (peu informatives). On cherche donc par la suite (étape 3) à choisir un petit nombre de variables qui soient à la fois significatives pour le bassin considéré et peu corrélées entre elles.

 

  • Étape 3 – Identification des variables physio-climatiques les plus représentatives du bassin :

En considérant la totalité des variables calculées en étape 2, on réalise plusieurs analyses statistiques permettant de sélectionner les variables les plus descriptives et pertinentes du BV. Le nombre final de variables identifiées n’est pas fixé d’avance et peut varier suivant la complexité du BV. Cependant, pour des raisons de performance statistique, un nombre de 5 variables représentatives est le plus souvent visé.

 

  • Étape 4 – Réalisation d’un échantillonnage “optimal” de ces variables (choisir des stations contrastées) :
Localisation des 13 stations du réseau optimisé du Chéran

Localisation des 13 stations du réseau optimisé du Chéran

La sélection des stations de mesure consiste à échantillonner de façon optimale les variables descriptives choisies à l’étape précédente. Concrètement, on voudra que, pour l’ensemble des stations choisies, soient représentées toutes les gammes des valeurs de ces variables descriptives retrouvées sur le bassin versant.

À l’issue de cette étape, les stations de mesure sélectionnées constitueront le réseau de mesure optimisé de suivi.

À noter que la démarche statistique employée à cette étape permet d’inclure ou d’exclure certaines stations, suivant le souhait du gestionnaire. L’outil MONITORISE© prend en compte également les contraintes budgétaires en hiérarchisant les stations proposées selon un ordre d’importance de leur représentativité du BV.

Dans le cas du BV du Chéran, certaines stations avaient été conservées puisque suivies depuis de nombreuses années par le conseil départemental de la Savoie.

À l’inverse, d’autres stations avaient été exclues pour des raisons d’accessibilité ou de présence sur des rivières asséchées.

Finalement, dans le cas du Chéran, le réseau optimisé est composé de 13 stations sentinelles réparties sur le cours principal et les affluents.

 

2.2.3  Phase 3 – Définition des modalités de la surveillance du BV

La phase 3 renseigne le gestionnaire sur le protocole de suivi biologique à mettre en place au niveau des stations de mesures choisies à l’issue de la phase 2.

Cette étape est réalisée en concertation étroite avec le gestionnaire et tous les partenaires, techniques et financiers, afin que le protocole final soit unanime et valorisable par un maximum d’acteurs.

Nous ne détaillerons pas ici les modalités proposées, puisque celles-ci sont dépendantes des BVs et des volontés propres aux gestionnaires. Cependant, nous conseillons de mélanger des approches normées et déjà appropriées par les principaux acteurs des territoires (I2M2 ou IBG-DEC, IBD/IPS, paramètres physico-chimiques, avec des approches plus innovantes permettant de fournir des indicateurs plus « pointus » en lien avec les exigences écologiques connues de certaines espèces pour mieux renseigner sur la fonctionnalité biologique du milieu (ADNe sur microorganismes spécifiques, tests de toxicité, indicateurs de recrutement naturel piscicole, reproducteur efficace par biologie moléculaire…).

2.2.4 Phase 4 – Mise en œuvre opérationnelle

illustration du couplage d'outils de bancarisation et d'analyse de donnéesLa phase 4 permet de définir un outil opérationnel de gestion de la donnée, notamment à travers la bancarisation des données existantes et des données générées lors des campagnes de surveillance définies dans la phase 3. Ces données bancarisées sont analysées de manière à alerter le gestionnaire sur des problèmes précoces de dégradation du milieu, mais aussi potentiellement d’amélioration. L’outil est destiné au gestionnaire direct de la rivière afin qu’il puisse procéder lui-même à la gestion et à l’analyse de toutes les données existantes et générées sur son territoire.

Pour mener à bien cette phase, nous conseillons de coupler des outils simples de bancarisation de la donnée (BDD type Access) avec des outils d’analyse spécifiquement développés pour répondre aux problématiques du territoire (R cran). Le tout couplé à l’outil SIG pour optimiser les analyses et traduire graphiquement les résultats.

3.  Quelques sites d’application de l’outil MONITORISE©

  1. BV de l’Artoise (2018), ONF & Fédération de Pêche de l’Aisne (02), contact : Romain Marlot (rmarlot@peche02.fr).
  2. BV du Chéran (2019), Syndicat Mixte Interdépartemental du Chéran (73/74), contact : Pascal Grillet (pascal.grillet@cheran.fr).
  3. BV de la Reverotte (2020), Syndicat Mixte d’Aménagement du Dessoubre et de Valorisation du Bassin Versant (25), contact : Jérémy Pourreau (jpourreau@smix-dessoubre.fr).
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