Etude de l’origine natale des truites du lac du Bourget par la microchimie des otolithes (2021-2024)
Contexte et objectifs
Le lac du Bourget est alimenté par deux affluents majeurs, la Leysse et le Sierroz, dans lesquels frayent les truites lacustres. Alors que les captures de truites lacustres par les pêcheurs amateurs et professionnels ont connu un fort déclin à la fin des années 90 – début des années 2000 (Proner et al., 2017), diverses stratégies de repeuplement ont été mises en œuvre sans toutefois permettre de redynamiser la population qui stagne à des niveaux de captures très faibles par rapport à la situation des années 80. Aussi, depuis 2017, l’alevinage a été stoppé et la population dépend uniquement de la réussite de la reproduction naturelle. Dans ces conditions se pose alors la question du succès de la reproduction naturelle dans la Leysse et le Sierroz.
Le projet vise d’abord à étudier la possibilité de discriminer les deux affluents du lac du Bourget en fonction de la signature microchimique des otolithes de truites juvéniles capturées dans chaque affluent. Dans un second temps, le projet cherchera à déterminer les contributions respectives des affluents frayères du lac du Bourget au stock de truites lacustres.
Méthodologie
La détermination de l’origine natale (affluents spécifiques, piscicultures) de salmonidés et/ou de déplacements entre affluents est possible aujourd’hui grâce à l’analyse d’éléments traces et/ou de rapports isotopiques contenus dans une des pièces calcifiées (otolithe sagittae) constitutive de l’oreille interne du poisson (Figure 1).
Cette pièce est formée par le dépôt journalier de couches de carbonate de calcium et de protéines tout au long de la vie du poisson. Des éléments chimiques tels que le strontium (Sr), le calcium (Ca) ou le baryum (Ba) sont incorporés chaque jour de la vie du poisson dans ces couches journalières et les ratios de certains de ces éléments (Sr:Ca, Ba:Ca, 87Sr :86Sr) varient en proportion avec le milieu de vie (Elsdon and Gillanders, 2004). Ces rapports élémentaires et isotopiques sont donc susceptibles de renseigner sur les milieux occupés par le poisson à différents stades de son développement (rivières spécifiques ou bassin de développement, piscicultures) sous réserve de l’existence de compositions géochimiques contrastées entre les différents milieux fréquentés (Figure 2).
Premiers Résultats
En 2021, 30 juvéniles de truites ont été prélevées sur les bassins versants du Sierroz et de la Leysse et ses affluents : Le Nant Varon et L’Hyères. Ces effectifs sont venus compléter des prélèvements réalisés en 2017 sur les deux cours d’eau. Les analyses de ces différents échantillons sont présentées sur la Figure 3.
On constate une bonne stabilité temporelle des signatures microchimiques entre 2017 et 2021, comme l’indique la superposition des signatures microchimiques entre les individus prélevés à ces deux époques. D’autre part, il ressort une bonne différenciation des signatures Sr/Ca (= ratio Strontium sur Calcium) des truites des principaux affluents, contrairement au ratio Sr/Ba qui ne permet pas de différencier les cours d’eau (axe des ordonnées). Le Nant Varon se démarque nettement d’un « groupe » constitué de la Leysse et de l’Hyères (non différenciés) ainsi que du Sierroz. L’origine «repeuplement » se distingue également nettement de la signature des différents cours d’eau étudiés. Les analyses microchimiques des otolithes de truites permettent donc de différencier l’origine natale des truites provenant des deux principaux affluents (Leysse et Sierroz) et les individus issus du repeuplement.
Et ensuite…
L’analyse d’otolithes de truites lacustres adultes capturées par les pêcheurs est maintenant en cours pour tenter d’assigner l’origine natale de ces individus (courant 2024). Les informations recherchées sont les suivantes :
- Rivière d’origine (Nant Varon / Leysse / Sierroz) pour les individus issus de recrutement naturel ;
- Confirmer à partir de la géochimie l’origine « repeuplement » des truites lacustres présentant des marques alizarine dans les otolithes ;
- Pour les individus issus du repeuplement, recherche si possible de la rivière d’alevinage.
L’information sur l’origine natale permettra en particulier d’orienter la gestion future de la population de truite lacustre à l’échelle du bassin versant : mise en œuvre de mesures en faveur de la conservation et/ou de la restauration de la fonctionnalité de la reproduction naturelle.
Collaborations
Cette étude est financée par la Fédération de Savoie pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, et est menée en collaboration avec le laboratoire IPREM (UMR 5254 – UPPA/CNRS) et l’UMR 1224 ECOBIOP (INRAE-UPPA).