Evaluation de l’empreinte génétique et de l’efficacité des repeuplements sur les Orons dans le département de la Drôme

Contexte et objectifs

La Fédération de la Drôme pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique a initié en 2018 une étude visant à l’amélioration de ses connaissances sur la croissance et la génétique des populations de truites de plusieurs rivières du département. L’outil génétique a notamment était utilisé pour évaluer l’efficacité des repeuplements encore pratiqués sur les Orons.

Les Orons bénéficient d’un important effort d’alevinage (alevins résorptions et alevins nourris TRF originaires de la pisciculture Fédérale du Puy de Dôme). La reproduction naturelle est historiquement jugée inefficace sur ce bassin versant. De ce fait l’objectif principal sur ce bassin est de « quantifier » la réussite de l’alevinage pour estimer la part de reproduction naturelle sur les cours d’eau du BV, en comparant les poissons de l’échantillon « rivières » et les stocks des piscicultures actuellement utilisées pour les repeuplements des cours d’eau étudiés.

Méthodologie

Des échantillonnages sur les populations naturelles des Orons ont été réalisés par pêche électrique par la FDPPMA26 en 2018. Sur chaque station, une trentaine d’individus a été recherché aléatoirement dans une large gamme de taille en excluant les juvéniles de l’année (0+) afin d’éviter de prélever des individus issus d’un nombre restreint de famille. Les échantillons sont donc composés d’individus ≥ 1+ représentatifs de la population en place. Le prélèvement a consisté à couper un petit morceau de nageoire pelvienne qui a été stocké dans l’éthanol 96°.

En complément, 50 individus ont également été échantillonnés pour caractériser les deux origines utilisées actuellement pour les repeuplements à savoir les piscicultures de Besse (Pisciculture fédérale du Puy-de-Dôme) et de Cauterets. En plus des deux piscicultures échantillonnées pour cette étude (Besse et Cauterets), les génotypages de deux autres stocks de pisciculture déjà disponibles ont été utilisées dans certaines analyses comparatives pour étudier les empreintes d’autres repeuplements plus anciens : une souche domestique ATL historique servant de référence pour les repeuplements traditionnels, une souche de pisciculture dite rhodanienne hybridée (Chazey-Bons) quelques fois utilisées pour des repeuplements.

Localisation des stations étudiées sur les Orons

L’ADN de tous les individus a été extrait et chaque individu a été génotypé au niveau de 192 marqueurs SNPs.

Divers traitements statistiques ont été réalisés pour évaluer l’empreinte historique des repeuplements passés et l’efficacité des repeuplements actuels.

Principaux résultats

Evaluation de l’empreinte génétique des repeuplements :

Les analyses hiérarchiques comparant les 10 stations « rivière » à différents stocks de piscicultures utilisés pour pratiquer les repeuplements ces dernières décennies ont montré que :

• Les stocks Chazey-Rhodanienne, Cauterets et la référence historique se différencient clairement des échantillons « rivière » ;
• Les génotypes du stock Couze et les échantillons « rivière » présentent une certaine différenciation mais avec une proximité génétique plus grande avec la station COL-01 principalement et CLA-01 dans une moindre mesure.

Analyse Discriminante des Composantes Principales réalisées avec les échantillons « rivière » et différentes combinaisons de stocks utilisés pour les repeuplements.

Contribution des repeuplements récents :

L’Oron étant soumis à des repeuplements importants, l’existence ou non d’un recrutement naturel a été recherché à l’aide du logiciel STRUCTURE en intégrant dans l’analyse la pisciculture de Besse et l’ensemble des échantillons « rivière ».

L’analyse montre deux clusters : un cluster (vert) intégrant l’ensemble des individus de la pisciculture et un cluster (rouge) permettant d’identifier les individus non assignés au stock de la pisciculture qui sont issus du recrutement naturel. Les résultats indiquent que la population de l’Oron est constituée à la fois d’individus issus des repeuplements et d’individus issus du recrutement naturel dans des proportions variables selon les stations. Globalement, le recrutement naturel représente environ 60% des individus et le repeuplement 40%.

Assignation des individus à deux clusters génétiques : rouge = pisciculture, vert = naturel. Chaque individu est réprésenté par une barre verticale colorée. Les barres verticales colorées représentent les probabilités de chaque individu d’être membre des clusters.

Une analyse plus précise d’assignation des individus « rivière » au stock de la pisciculture de Besse a été réalisé pour estimer sur chaque station l’origine de chaque individu entre origine naturelle et origine repeuplée.

Résultat des tests d’assignation au stock de la pisciculture des individus prélevés en rivière. Chaque point représente la probabilité d’un individu d’être assigné à l’origine pisciculture avec son intervalle de confiance à 95%. Point vert = individu dont la probabilité est statistiquement plus élevée d’être assigné à la pisciculture, Point rouge= individu dont la probabilité conduit à ne pas l’assigner à la pisciculture.

Les contributions respectives du repeuplement et du recrutement naturel sont variables selon les stations (figure 34). Cinq stations sur les 10 étudiées présentent un recrutement naturel majoritaire : FAY-01, ORO-03, CSN-02, ORO-05. Trois stations présentent une contribution équivalente entre les deux origines naturelles et repeuplée : ORO-02, CSN-01 et ORO-06. Enfin deux stations montrent une contribution majoritaire du repeuplement : COL-01 et CLA-01.

Contributions des repeuplements selon les classes de taille et d’âge :

La répartition des deux origines en fonction de la taille des individus et des âges (à partir de l’étude scalimétrique) montre que les individus issus du recrutement naturel sont majoritaires dans les classes d’âge 1+ et 3+ et sont exclusivement présents dans les classes d’âge plus âgées (4+, 5+ et 6+). Les deux origines contribuent de manière similaire à la classe d’âge 2+. Ainsi, la contribution des individus repeuplés au stade géniteur (≥3+) est quasi-nulle.

Répartition des individus naturels et repeuplés par classe de taille et relation avec l’âge obtenu lors de l’étude scalimétrique.

Pourcentage des individus naturels et repeuplés par classe d’âge (effectifs entre parenthèses).